Chapelle de l'Annonciade et des pénitents blancs

  • Façade de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / MyriamF

A la fin du XVIIe siècle, la ville de Martigues présente un essor économique sans précédent et près de 13000 habitants. Cette prospérité s’accompagne d’une intense vie religieuse et artistique, comme partout en Provence. Dans le quartier de Jonquières, le projet d’agrandissement de l’église Saint-Genest se fait simultanément à la reconstruction d’une chapelle pour la confrérie des pénitents blancs de l’Annonciade. Les travaux (1661-1734) vont faire de cette chapelle un des fleurons de l’art baroque martégal.

La chapelle de l’Annonciade, fleuron de l’art baroque martégal

Notions d’art baroque

Le XVIIe siècle est le théâtre de mouvements artistiques majeurs comme l’art classique et l’art baroque, qui cohabitent et que l’on oppose souvent. S’il est vrai que les lignes, les formes, les couleurs et la lumière sont traitées différemment, ces styles touchent la sensibilité du spectateur par leur aspect spectaculaire mais aussi intime.

L’art baroque est la matérialisation de l’esprit de la Contre-Réforme catholique, faisant suite au Concile de Trente (1545-1563). En France, l’art baroque est empreint de classicisme au nord et naturellement plus exubérant dans le Midi. La chapelle de l’Annonciade semble cependant être un contre-exemple, du moins en apparence. En effet, l’extérieur discret et le plan en nef unique ne laissent en rien présager de la richesse des ornements et de la décoration intérieure.
  • Vue intérieure  de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / MyriamF
  • Vue intérieure  de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / MyriamF

Les confréries de pénitents à Martigues

Les confréries de pénitents apparaissent en Provence au XIIIe siècle et forment des sociétés laïques indépendantes, leur principale vocation étant de remplir certains devoirs de dévotion et de charité de façon individuelle et collective. Les pénitents participent à la vie de la paroisse, chantent les offices, assistent les malades, ensevelissent les morts, font des processions. Chaque confrérie est très réglementée et se caractérise par son costume et sa chapelle, lieu des dévotions mais aussi des réunions. Lors des cérémonies et des processions, les pénitents se recouvrent d’un vêtement ample appelé sac et d’une cagoule percée par les yeux.

Ces confréries sont au nombre de quatre à Martigues à la fin du XVIIe siècle. Chaque paroisse dispose d’une compagnie de pénitents, détentrices d’un lieu de réunion distinct de l’église. La couleur de leurs habits détermine leur nom : pénitents blancs à l’Ile et à Jonquières, pénitents bleus à Ferrières. Quant aux pénitents noirs, on ne connaît pas leur lieu de réunion. La confrérie des pénitents blancs de Jonquières est placée sous l’invocation de la vierge de l’Annonciade. Au XVIIIe siècle, leur aspect religieux s’estompe, les frères se réunissent pour le plaisir d’être ensemble. Ces confréries disparaissent à la Révolution Française pour se reconstituer au XIVe siècle.

Le retable

L’un des éléments les plus importants de la chapelle de l’Annonciade est le retable du Maître-autel. Majestueuse œuvre de 7.91 m de haut par 8.28 m de large, elle est composée du retable à proprement parler, bâti en bois de noyer, d’aulne, de hêtre et de filleul sculpté doré et polychrome, ainsi que de trois peintures en lien avec le thème de la vie de la Vierge.

Le tabernacle (meuble au-dessus de l’autel abritant le ciboire contenant les hosties) semble avoir été conçu entre 1661 et 1671, période de construction de la chapelle et remis en place dans l’autel du retable actuel réalisé en 1702 par Étienne et Claude Darbon, maîtres menuisiers de Martigues. Correspondant à une codification établie par le Concile de Trente, le retable présente un tableau central figurant l’Annonciation. Les deux travées latérales sont ornées d’une peinture représentant respectivement La nativité de la Vierge Marie et la présentation de la Vierge au temple.
  • Retable de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / KarimK
  • Vue intérieure  de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / KarimK

Le mobilier de la Chapelle

Il reste peu de chose du mobilier d’origine. Quelques croix et lampes de procession sont exposées à la Galerie de l’Histoire de Martigues. Le reste a dû être fondu ou détruit à la Révolution. Il nous reste les stalles et la porte d’entrée principale en bois récupérées de la première chapelle. L’inscription du 4 juin 1936 marque la date de pose de cette porte sculptée. Elle est signée Honoré Granier.

Les stalles en noyer sont des bancs qui permettaient aux pénitents de suivre l’office depuis les banquettes latérales. Elles ont été réalisées entre 1651 et 1655 par un menuisier de Martigues (André Ollivier) et sculptées par un artisan marseillais (Louis Bremiard). Le siège du prieur se distingue de l’ensemble par un dais orné d’un tympan en bois peint et doré montrant une Annonciation entre deux pénitents blancs agenouillés.
  • Détails de la chapelle des pénitents blancs Martigues - © Otmartigues / KarimK
  • Détails de la chapelle de Martigues - © Otmartigues / KarimK

Les décors muraux : 1734

Le programme initial prévoyait de simples murs blanchis à la chaux décorés par les stalles et les tableaux de la première chapelle. On a perdu la trace de ces premières œuvres, seules les stalles sont présentes. La décoration va être transformée au début du XVIIIe siècle. En 1734 sont achevées des fresques monumentales illustrant le cycle de la vie de la Vierge et du Christ. Elles sont signées Blaye père et fils, comme l’atteste l’inscription du mur ouest. De ces décors monumentaux ne subsistent La dormition de la Vierge, Les noces de Cana, Jésus chez les docteurs et l’Immaculée conception sur le mur sud, à gauche. On peut également voir à droite, Sainte Ursule, patronne de la confrérie des pénitents, à priori réalisée durant les restaurations de 1966.
Au centre, une scène apparemment mythologique montre Minerve et Hercule. Réalisée pendant la Révolution, il s’agit en fait d’une allégorie de la Raison et de la Force, découverte sous un tableau de la Nativité de la Vierge.
  • Plafond Chapelle des pénitents blancs Martigues - © Otmartigues / MyriamF
  • Plafond de la chapelle de l'Annonciade à Martigues - © Otmartigues / MyriamF
  • Fresques de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / MyriamF
  • Peinture sur les murs de la chapelle de l'Annonciade - © Otmartigues / MyriamF

La décoration des plafonds : 1677

Après l’écroulement des voûtes en 1664, on opte pour une simple couverture de tuile canal sur une charpente en bois. En 1677, est commandé à un menuisier aixois, Jean-Claude Boyer un somptueux plafond plat en bois de sapin peint et doré qui retombe en anse de panier sur les murs. Les décors peints auraient été exécutés d’après les dessins de Michel Daret, peintre aixois, fils du grand peintre baroque Jean Daret. Ce plafond sert également de cadre à une série de 5 peintures à l’huile sur toile, ayant trait à la vie de Vierge et attribuées aux peintres Barthélémy Donneau de Martigues et Anthoine Ollivier de Marseille. Les toiles d’origine sont L’Assomption de la Vierge et Le Couronnement de la Vierge, le reste date de la campagne de restauration de 1966.
  • Fresques de la chapelle de l'Annonciade Martigues - © Otmartigues / KarimK

La tribune aux graffiti

Les murs de la tribune sont couverts de graffiti tracés au fusain, à la sanguine ou à la pointe du couteau. Ces dessins témoignent d’un peu plus de trois siècles de mémoire d’hommes gravés dans la pierre. On accédait à l’étage par un escalier à vis en pierre de taille. La tribune était ouverte sur la nef par deux baies jusqu’à l’installation du retable en 1704. Des vases enchâssés dans les murs visaient à améliorer l’acoustique. La voûte conservée ici demeure le seul témoin de la couverture effondrée dans la nef en 1664. Cet espace devient dès son origine un lieu privilégié des dédicaces votives. Des dates sont apposées dès 1664. Puis viennent des représentations de navires de guerre et de pêche de la deuxième moitié du XVIIe siècle. On relève également des litanies et des motifs associés au registre iconographique des pénitents, en particulier les têtes de mort et de diable, ainsi que la figure de la vierge en prière.

Autres motifs, plusieurs séries de moulins à vent témoignent de leur importance dans le quotidien des martégaux jusqu’au milieu du XXe siècle. Des figures humaines pourraient représenter des personnalisés locales, un cavalier armé, des hommes au chapeau, à la pipe. Les patronymes initiales et signatures témoignent de noms de fidèles ou de visiteurs soucieux de laisser leur trace à la postérité. Enfin, un graffiti révolutionnaire se distingue par sa taille et sa belle facture : caricature de l’époque révolutionnaire, le visage retenu d’un homme coiffé d’un bonnet phrygien, portant une veste à boutons et les cheveux noués en catogan, fait face au contentement ironique d’un visage de femme coiffée d’une charlotte frangée.
  • chapelle-annonciade-office-de-tourisme-de-martigues-otmartigues-kk-3-480267 - © Otmartigues / KarimK
  • Graffiti à la tribune - Chapelle de l'Annonciade - © Otmartigues / MyriamF
  • Graffiti à la tribune - Chapelle de l'Annonciade - © Otmartigues / MyriamF
  • Graffiti à la tribune - Chapelle de l'Annonciade - © Otmartigues / KarimK

La Chapelle de l'Annonciade en dates

1619 – Première mention de la chapelle de confrérie consacrée près de l’église St-Genest par l’archevêque d’Arles
1661 – L’agrandissement de l’église de Saint-Genest entraîne la démolition de la chapelle. Elle est reconstruite plus loin, à l’emplacement qu’on lui connaît aujourd’hui selon le plan du premier édifice, rallongé d’une travée. Côté nord, une tribune s’ouvre sur la nef par deux baies en plein cintre.
1666 – Les voûtes en pierre s’écroulent malgré les arcs-boutants et les contreforts. Elles sont remplacées par une charpente en bois.
1671 – Fin des travaux
1677/1678 – Réalisation du somptueux plafond en bois doré et décoré
1702/1703 – Réalisation et installation du retable du maître-autel
1734 – Achèvement du décor mural signé Blaye et fils
1792 – Suppression des confréries par décret, la chapelle est désaffectée et utilisée comme lieu de réunion par l’Assemblée populaire de Jonquières
1805 – Rétablissement de la liberté de culte, les confrères reprennent possession de la chapelle
1910 – Classement de la chapelle au titre des monuments historiques
 
Restauration du monument
1934 – Restauration partielle des fresques et des peintures
1945 – Mise hors d’eau de la chapelle après les bombardements de 1944
1955/1966 – Premières campagnes de restauration
1955 – Etude préalable à la restauration du monument
1996 – Recherches archéologiques
1999/2002 – Mise hors d’eau de la toiture, consolidation de la charpente et restauration du clocheton
2005 – Etude préalable à la restauration des décors et du mobilier
2006 – Restauration des façades
2011/2015 : Travaux de restauration intérieure : décors muraux, retable, peintures et stalles